CENESTHESIE (FRA) - Visceral (2013)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 11 septembre 2013
Pays : France
Genre : Metal / Post-Hardcore
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 61 Mins
Permettez-moi, mes amis, d'entamer cette chronique de la même façon que le vénéré Wong Li, du temps où il prodiguait encore de précieux conseils pour les jeunes pousses comme CENESTHESIE. Je ne vais pas vous faire le plaisir de vous offrir tout cuit la définition du mot "cénesthésie". Par contre, je pense qu'il est essentiel d'en connaître la signification au moment d'aborder ce groupe bordelais. L'arbre représenté sur la pochette de Première Topique, démo sortie en 2008, a bien poussé. Entre temps, le Metal a lui aussi évolué, à différents niveaux et sous différentes formes. On parle un peu plus de Djent, de Mathcore, de Post-Hardcore qu'il y a cinq ans et cette évolution stylistique se ressent clairement sur Visceral, debut-album pour ces cinq Français. J'aimerais au passage saluer leur démarche d'envoyer un exemplaire original de ce très beau digipack, pour le plaisir égoïste de l'œil et du toucher. Le contraste est très minimaliste, digne de mes pauvres notions acquises tant bien que mal pendant les cours d'arts plastiques. L'extérieur de l'objet fait dans des nuances froides, l'intérieur brulerait presque les doigts.
A vrai dire, la musique est un peu similaire. On ne sait pas très bien sur quel pied danser avec CENESTHESIE. Il y a d'une part la chaleur, la vivacité, la moiteur du Death Metal "comme-vous-l'aimez", c'est-à-dire assez bateau mais bien granuleux, avec un paquet de riffs mastocs et de passages butés à t'en décorner un bœuf. Et il y a de l'autre des volutes plus soft, plus posées et plus contemporaines. Quelques structures vaguement mathématiques, des saccades, du hachage rythmique façon steak tartare. Quand le couteau est bien aiguisé, c'est d'une finesse rare et justement, les lames de ces Bordelais sont tranchantes. Tranchantes comme les paroles, en bon français. "Croisade" évoque une bénédiction à grands coups de MST, une "bande de bâtards ignares", "Traces" parle de sébum, peut-être pour que les ados boutonneux puissent se sentir concernés. Je ne sais pas si c'est le fruit de mon imagination, mais Jan (chant) semble avoir délibérément utilisé un vocabulaire très cru au début de l'album avant de laisser entrevoir son côté "poète" sur les trois derniers titres. Quoiqu'il en soit, de tels textes ont clairement été rédigés dans un but cathartique et la prestation franche et massive de Jan s'en retrouve grandie. Ses compères ne dénaturent pas l'effort collectif. On trouvera sur "Traces" des trainées de Death un poil technique, sur "Crier Pour Survivre (Part 1)" des contrastes meshuggiens, sur la seconde partie un break jazzy pour-faire-comme-CYNIC et sur "Genèse", des passages plus lourds, entre Deathcore et Post-Hardcore avec une grosse tartine entre 2'19 et 2'42. Un pot-pourri de structures, de textures et d'émotions qui rendent Visceral fidèle à son titre. CENESTHESIE, avec une telle sortie, sera forcément gagnant, même si le style pratiqué par ces garçons souffrira encore un moment de ses contours imprécis. Nul doute qu'un peu de netteté sur les instants les plus denses fera le plus grand bien à une éventuelle future production, car je pense que comme n'importe quel projet, le groupe rêve secrètement qu'on dise de lui en l'écoutant "ça, c'est du pur CENESTHESIE !".
Comme le révélait Wong Li dans son papier sur Première Topique, le Metal de ces mecs était à l'époque "lunatique". A ce que j'entends aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les Bordelais savent où ils veulent aller, ne font subir à l'auditeur aucune saute d'humeur et assurément, ce premier opus leur donnera une impulsion pour s'engouffrer dans la bonne direction. Visceral fracasse, Visceral torture. Il ne lui manque finalement qu'un peu de cette fluidité qui rend les choses les plus complexes éminemment simples.
Ajouté : Mardi 15 Avril 2014 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Cenesthesie Website Hits: 7734
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